Conseils de rédaction et typographie

Voici, jetés en vrac, quelques conseils de typographie et de rédaction, pour l’écriture d’articles ou de rapports de stage scientifiques. Je le complèterai ou le corrigerai en fonction des retours, n’hésitez pas à me contacter ! 🙂

1) Typographie

Il n’y a que trois règles générales à la typographie.

La premiere règle générale de la typographie est celle de la consistance : en cas de doute, faites un choix et suivez-le ! Par exemple, si vous ne savez pas si vous devez finir les légendes de vos figures avec une marque de ponctuation, décidez d’en mettre, ou pas, mais surtout, soyez consistant tout au long de votre document. (Indice pour cette question particulière : ça dépend des éditeurs.)

La seconde règle générale de la typographie est celle de la consistance. Enfin, la troisième règle de la typographie est, vous l’avez deviné, celle de la consistance.

Voyons maintenant des règles plus précises.

1.1) Les figures

Une figure est un ajout visuel au texte, un complément, mais ne fait pas partie techniquement du texte. C’est un “floating body” : il est placé “autour” du texte, et son placement peut varier en fonction des contraintes de mise en page. En conséquence, il ne faut jamais faire référence à une figure avec des locutions comme “dans le graphe ci-dessous”, etc.

Toute figure doit être référencée au moins une fois par le texte. On préfère les tournures comme “Les données / simulations / analyses statistiques indiquent que… (voir Figure X)”, plutôt que “La Figure X montre que…” ou encore “On voit Figure X que…”.

Bien que toute figure doive être référencée au moins une fois, on ne doit jamais écrire le texte comme s’il était certain que le lecteur la consultera. En conséquence, une phrase comme “Les résultats de l’expérience sont présentés Figure X.” ne suffit pas : il faut toujours au moins une phrase résumant ce qu’il y a à voir dans la figure.

La numérotation des figures doit être continue : la numérotation ne recommence jamais à 1 en milieu de document, même si on vient de changer de chapitre, de section, etc. En revanche, pour les gros documents comme les thèse de doctorat, la numérotation peut éventuellement être structurée. Le plus couramment, il s’agit de prendre le numéro de chapitre suivi de l’ordre de la figure dans ce chapitre : la figure 2.6, dernière du chapitre 2, est suivie de la figure 3.1, première du chapitre 3.

Dans un texte, il peut y avoir jusqu’à trois types de corps flottants : les figures, les tables et les algorithmes. Chacun aura sa numérotation indépendante. Ainsi, on pourra avoir la figure 1, la figure 2, puis la table 1, puis la figure 3, puis l’algorithme 1, puis la table 2, la figure 4, etc.

1.2) Faire une référence bibliographique

Il y a deux grandes classes de typographie pour les références, dans le texte, à une ressource bibliographique. La première, c’est lorsque la référence apparait dans le texte principal comme une “clé”, qui est soit un nombre seul entre crochet (par exemple, “[4]”), soit une liste d’initiales et les deux derniers chiffres de l’année (c’est de moins en moins utilisé, mais ca donnait par exemple “[ABC04]”). Ce style est plus couramment utilisé dans les communautés de l’ingéniérie.

La seconde classe choisit de donner plus d’informations dans la référence, en donnant les noms des auteurs, et l’année complète. C’est plus courant dans la communauté des sciences de la vie, de la psychologie expérimentale : on parle parfois de “natural bibliography” (natbib) ou de suivre le style de l’APA (American Psychological Association ; apalike). Ce style est aussi plus délicat à manier : on distingue les cas où il y a un, deux, ou plus de deux auteurs, et, dans ce dernier cas, on distingue la première citation des citations suivantes. S’il y a un seul auteur, ca donne par exemple : “(Diard, 2009)”. S’il y a deux auteurs, ils sont séparés par un “&” : “(Diard & Lebeltel, 1999)”. S’il y en a plus de deux, on va parfois donner la liste complète des auteurs pour la première citation (“(Diard, Rynik, & Lorenceau, 2013)”), puis abréger pour les citations ultérieures (“(Diard, et al., 2013)”), avec une locution latine qu’on lit en français “et collègues”. Cette dernière règle, pour certains éditeurs, ne s’applique plus lorsqu’il y a trop d’auteurs : au delà de 5 auteurs, on abrège dès la première citation.

Dans la majorité des cas, la règle typographique à suivre est la suivante : la citation bibliographique ne fait pas partie de la structure grammaticale de la phrase. Ainsi, on écrit pas “[4] montre que E=mc^2”, ni “Les expériences de [4] montrent que E=mc^2” mais “Des expériences ont montré que E=mc^2 [4]”. Une dérive est la locution impersonnelle “Il a été montré que …”, dont le rendu esthétique est douteux, surtout quand on la rencontre 20 fois dans une étude théorique.

Il y a évidemment une exception, c’est lorsque on utilise le style naturel des références, et qu’on souhaite nommer les auteurs. On écrit “Diard (2009) a montré que”, et on considère que le sujet est bien “Diard”, et que la référence bibliographique n’est plus que le “(2009)”, qui, lui, reste en dehors de la structure grammaticale de la phrase. En LaTeX, l’utilisation de ces styles de références bibliographiques donne donc deux commandes distinctes, l’une pour les références entre parenthèses “(Diard, 2009)” et l’autre pour les références dans le texte “Diard (2009)”, parfois nommées \citep et \citet (à vérifier, ça varie selon les styles).

1.3) La ponctuation

Les règles de ponctuation différent de l’anglais au français : les ponctuations doubles (deux-points, point-virgule, etc.) sont précédés d’un espace en français, comme dans cette phrase. On the other hand, in English: that is not the case.

Pour être encore plus tatillon : l’espace devant les ponctuations doubles doit être un espace insécable, de manière à ce qu’une ligne ne commence jamais par un signe de ponctuation séparé du mot précédent. En général, l’espace insécable est tapé au clavier par Alt-espace, bien que certains logiciels gèrent automatiquement cela, sans vous demander votre avis (Word, par exemple).

Pour être encore beaucoup plus tatillon : il faudrait en fait insérer entre la fin du mot et la ponctuation double une espace fine insécable, mais la plupart des logiciels, bien configurés, s’en occupent pour vous.

Les équations mathématiques, pour la plupart des éditeurs, doivent faire partie de la structure grammaticale de la phrase, et doivent être ponctuées en conséquence. Par exemple, “si on dit que 2+2=4, on est content” : la virgule après l’équation paraît naturelle. En revanche, cette règle ne dépend pas de la mise en forme de l’équation. Ainsi, même si elle apparaît “hors ligne”, c’est-à-dire qu’elle est mise en valeur en sortant du paragraphe, en étant centrée et numérotée, il faut toujours considérer qu’elle fait partie de la phrase. Ainsi : “Nous avons montré que
2+2=4,
contre vents et marées.”

1.4) Les listes

Il y a plusieurs manières d’écrire une liste, selon le statut de la séparation entre les items. Par exemple, une liste peut structurer une phrase, dont la structure syntaxique est intacte. Dans ce cas, la liste se termine par un point (comme une phrase) et elle est précédée par le début de la phrase, séparée de la liste par un deux-points. De plus, chaque item ne commence pas par une majuscule et se termine par une signe de ponctuation approprié : une virgule si la liste est une énumération, un point-virgule si la liste est une suite de propositions. Voici deux exemples de listes qui suivent ce modèle.

Voici ma liste de courses :
– carottes,
– courgettes,
– et patates.

Voici la démarche :
– télécharger le dossier ;
– le remplir ;
– l’envoyer à l’administration.

L’alternative, c’est que chaque item soit lui même une phrase entière. Dans ce cas, évidemment, chaque item commence par une majuscule, chaque item se termine par un point, et la phrase qui précède la liste est une phrase indépendante, donc terminée par un point. Voici un exemple de liste selon ce modèle.

Voici mon poème.
– Les roses sont rouges.
– Les violettes sont bleus.
– Ce poème est moche.

1.5) Voix

Un article signé de plusieurs auteurs se rédige à la première personne du pluriel (nous, we). C’est normal, il y a plusieurs auteurs.

Pour les thèses, les articles signés d’un seul auteur ou les rapports de stage, la question est plus délicate. Pour une thèse, il est généralement accepté qu’il s’agit d’un travail collaboratif entre le ou les directeurs et l’étudiant : le “nous” est donc courant. En ce qui concerne les articles scientifiques signés d’un seul auteur, cela varie. Par exemple, un jeune chercheur détaillant son travail théorique fait de manière isolée pourra utiliser le “je”, alors qu’un chercheur confirmé faisant un résumé de la contribution théorique de l’ensemble de sa carrière pourra utiliser le “nous” (sous-entendue, la masse d’étudiants ou collaborateurs aux différents projets). Pour un rapport de stage, c’est encore plus incertain : les coutumes peuvent varier de filière à filière. Le plus sage est de demander leur préférence aux personnes évaluant le rapport, aux responsables de filière, ou bien d’aller consulter des rapports des années précédentes.

2) Conseils de rédaction : l’introduction d’un texte scientifique

2.1) Situation

Ecrire un texte peut être facile lorsqu’on a la fibre littéraire, ou lorsqu’on a une totale liberté dans la forme du texte, dans son rythme et sa structure. Un texte scientifique cumule les obstacles, car il est en général écrit par des gens qui n’ont ni la fibre ni l’éducation littéraire, ni le choix de la structure ou du ton de leur texte. Une difficulté principale, dans la rédaction d’un article ou d’un rapport scientifique, c’est son introduction, qui est cruciale pour que le lecteur aborde le contenu correctement. Au moment d’aborder la rédaction, on a de plus tendance à bien avoir en tête les détails et le contenu technique, mais peu d’inspiration ni de recul pour rédiger l’entrée en matière. Cela donne naturellement des brouillons où les idées viennent dans l’ordre de l’intérêt du rédacteur, avec d’emblée les détails techniques, les points durs “excitants” pour le spécialiste.

2.2) Problème

Or, l’ordre préféré de rédaction n’est pas du tout l’ordre utile pour le lecteur qui, lui, découvre la matière ! Il est perdu s’il entre dans un sujet par la fin, sans savoir ni le contexte, ni l’intérêt.

2.3) Résolution

Heureusement, il existe une technique simple et efficace pour se forcer à structurer une introduction dans le bon sens, c’est-à-dire le sens du lecteur, le sens pédagogique. C’est la méthode SPRI (Timbal-Duclaux, 1983).

2.4) Information

La méthode SPRI donne une structure simple, à suivre systématiquement, pour la rédaction de l’introduction d’un texte scientifique. On commence par un ou plusieurs paragraphe où on présente la Situation (S). Cette section décrit le contexte, en allant du plus général au plus spécifique, de manière à amener le lecteur, quelque soit sa culture générale du domaine, vers le point particulier dont traite le texte. J’ai par exemple, ci-dessus, commencé par évoquer l’écriture de textes en général, puis les textes scientifiques, puis leur introduction.

Les deux section suivantes, P et R, identifient respectivement le Problème et l’idée générale de la Résolution qu’on y apporte. Ce sont en général deux cours passages, qui se répondent, et évitent à tout prix de rentrer dans les détails. On laissera les détails, les compléments, dans le reste du texte, qui contient les Informations (I).

Pour voir un exemple d’application de la méthode SPRI, il suffit d’enlever les sous-titres “Situation, Problème, Résolution, Information” ci-dessus, qui en général n’apparaissent pas dans l’article. Pour un texte long, comme une thèse, ils peuvent éventuellement rester.

La portion I peut-être arbitrairement longue, et elle est en général structurée en sections, sous-sections, etc. La fin du I doit convenablement amener au plan de lecture : à ce moment là, le lecteur attend justement d’en savoir plus, et on lui dit dans quel ordre on va le renseigner. Chacune des sections, ensuite, peut elle même être structurée, récursivement, en SPRIs imbriqués. Formaliser une méthode de rédaction de texte par une définition récursive : c’est bien une méthode d’ingénieur.

 

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